Statistiques

Méfiez-vous des statistiques

L’usage des statistiques,  science mathématique complexe, est sujet à de nombreuses erreurs ou approximations qui tendent à prouver des affirmations fausses, sous couvert d’apparentes évidences. En voici trois exemples.

Indépendance d’évènements, un oubli tragique

Si deux évènements sont indépendants l’un de l’autre, l’un ayant par exemple 2% de chance d’arriver, l’autre 3%, alors la probabilité pour que les deux évènements arrivent successivement est le produit de 2% par 3% soit 0,02 x 0,03 = 0,0006 ou 6 pour dix mille. Ce qui est bien sûr très peu probable. La notion d’indépendance est ici absolument nécessaire, mais elle est souvent oubliée ou difficile à percevoir, et son oubli rendrait le calcul complétement faux.

C’est ce qui est arrivé de nombreuses fois au tribunal, avant que des règles strictes d’emploi des statistiques ne soient mises en vigueur. Voici le terrible exemple de Sally Clark, en Angleterre.

En 1996, son bébé Christopher âgé de trois mois décède subitement. Deux ans plus tard, son autre bébé Harry âgé de deux mois décède lui aussi. Devant la mort successive des deux enfants, Sally Clark a été accusée de meurtres. Les arguments ? La mort subite du nourrisson est un événement rare (statistiquement, une chance sur 8543). Dans ces conditions, on affirme que la survenue de deux épisodes de mort subite du nourrisson dans la même famille est encore plus rare, environ une chance sur 73 millions (1/8543 x 1/8543). Cette probabilité est si faible que la seule explication possible est que Sally Clark a assassiné ses deux enfants.

Sally Clark a ainsi été emprisonnée entre 1999 et 2003. Finalement, après avoir fait appel plusieurs fois, elle a été libérée lorsqu’enfin des statisticiens de la Royal Statistical Society ont démontré que l’argument mathématique était totalement faux, puisqu’à l’évidence les deux morts subites ne peuvent absolument pas être qualifiés d’évènements indépendants ; ils peuvent par exemple résulter de phénomènes héréditaires génétiques. Après cette terrible épreuve, Sally Clark a fini par se suicider en 2007.

Un faux positif vous fait tomber dans l’angoisse

Voici un autre exemple d’incompréhension statistique.

Un laboratoire met au point un test pour détecter une maladie grave, qui touche en moyenne 1 pour mille de la population. Ce test détecte bien les malades, mais il n’est pas infaillible car il détecte aussi à tort 5% de malades qui ne le sont pas.

On vous annonce que votre test est positif, et comme vous savez que le test détecte bien « à 95% » les malades, vous tombez dans l’angoisse. A tort !

Car en fait, sur 1.000 personnes testées, seule une en moyenne est malade, bien que 50 personnes de plus aient été faussement détectées. Vous avez en fait 1 chance sur 51 d’être malade, soit environ 2%.

Comme les médecins ne sont pas des statisticiens, mieux vaut éviter d’utiliser ces tests dans ces situations ! C’est bien ce que l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament fait en refusant leur mise sur le marché.

La loi des séries ?

Tout le monde (ou presque) y croit, mais elle est complétement fausse… Le fait que plusieurs évènements rares arrivent successivement relève du simple hasard.

Commençons par un exemple simple. Si je lance un dé (parfait) plusieurs fois de suite, et que le hasard m’a donné 5 fois le 1 successivement, j’aurai toujours une chance sur six d’avoir le 1 un 6e fois ! Pour s’en convaincre on peut dire par exemple que si je lance 6 fois mon dé, j’ai autant de chance de faire 316424, ou n’importe quel autre nombre, que 11111. Parier sur 316424 ou sur sa date de naissance ou sur 11111 est équivalent.

Autre approche, si on demande à un ordinateur de donner au hasard plusieurs dates, elles ne seront pas distribuées à peu près régulièrement dans le temps, et on constatera des groupes de plusieurs dates rapprochées et d’autres isolées. Les accidents d’avions sont rares. Pour autant ces accidents arrivent au hasard. Si plusieurs accidents arrivent successivement, on voudra y voir une loi qui n’existe pas.

Pour finir, un autre exemple plus amusant ? Rendez-vous sur le billet suivant, “Le jeu des 3 portes”.

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