Physique quantique

Physique quantique 4
L’interprétation de Copenhague

Après la théorie des quanta et la dualité onde-corpuscule (1), les physiciens vont construire la mécanique quantique dont l’objet est de décrire le fonctionnement de l’infiniment petit au niveau des atomes et des particules élémentaires.

Dans les années 1920, Werner Heisenberg  et Erwin Schrödinger développent les premières approches mathématiques de la mécanique quantique, avec des formalismes différents ; Heisenberg adopte une formalisation matricielle, alors que Schrödinger utilise une approche ondulatoire.

Principe d’incertitude

Outre cette formalisation matricielle, Heisenberg est surtout connu pour son « principe d’incertitude » qu’il expose en 1927. De manière simplifiée, il énonce qu’il est impossible de connaître simultanément avec précision à la fois la position et la vitesse d’une particule. Tout gain de précision sur l’une entraîne une moindre précision sur l’autre.

On n’est alors plus du tout dans le monde de la physique classique, où l’on peut connaître avec toute la précision voulue à la fois la position et la vitesse d’un corpuscule, et donc anticiper sa trajectoire, vision déterministe. Notre monde, au niveau de l’infiniment petit, est par nature indéterminé, probabiliste.

Certains ont pu exprimer à tort que cette incertitude relevait de l’expérimentation elle-même, qui pour mesurer une vitesse ou une position interfère avec la particule, et modifie ce qu’on voulait mesurer (on mesure avec des photons qui interférent avec la particule mesurée). En réalité,  la particule n’est pas un corpuscule, et ne possède pas les propriétés de vitesse et de position au sens usuel où nous les comprenons. La particule est un objet quantique caractérisé par la dualité onde-corpuscule,  la combinaison des natures ondulatoire et corpusculaire impliquant une incertitude intrinsèque de la matière.

Équation de Schrödinger

En 1925, Erwin Schrödinger publie de son côté sa fameuse équation fondamentale, qui a pour objet de décrire le comportement de l’onde associée à chaque particule, dans le temps et dans l’espace.

Une particule n’est pas un fragment de matière, mais quelque chose associé à une onde. De quoi sont faites ces ondes, comment se comportent-elles ? Pour une onde sonore par exemple, c’est la pression de l’air qui varie au passage de la vibration, l’énergie sonore se propageant dans l’air comme une onde à la surface d’un plan d’eau… Pour une onde associée à une particule, c’est une autre grandeur qui varie, la probabilité de sa position. Cette onde se caractérise par une fonction d’onde appelée Ψ (psi), qui se calcule grâce à l’équation de Schrödinger. Ce n’est pas une onde « réelle » au sens usuel, mais une solution mathématique pour décrire un comportement ondulatoire, qui plus est d’une probabilité de position.

En physique classique, les lois et équations régissent les changements dans le temps des propriétés des objets, leur position par exemple. Mais cette physique est incapable d’expliquer les phénomènes quantiques observés. En physique quantique, les équations et lois régissent les changements dans le temps des probabilités de valeur des propriétés étudiées. Et ces moyens mathématiques abstraits et complexes répondent parfaitement aux défis relevés.

En 1930, Dirac montrera que les deux approches, celles d’Heisenberg et de Schrödinger, sont mathématiquement équivalentes.

L’interprétation de Copenhague

Sur la base de ces travaux, autour de Niels Bohr, Directeur de l’Institut de la Physique théorique de Copenhague, se développe « l’interprétation de Copenhague », rassemblant des concepts clés comme : la dualité onde-corpuscule, l’indéterminisme, l’onde de probabilité de la position d’une particule, l’effondrement de la fonction d’onde…

D’après cette interprétation, une particule n’existe que par les probabilités de sa fonction d’onde, et c’est son observation ou sa mesure qui va la faire se révéler, ce qu’on appelle « l’effondrement de la fonction d’onde ». Si on veut mesurer la vitesse d’un électron par exemple, avant la mesure celle-ci a toute une gamme de probabilité possible ; après la mesure la vitesse est déterminée définitivement.

« Dieu ne joue pas aux dés »

Lors du congrès de Solvay de 1927, l’élite des physiciens et prix Nobel de l’époque est réunie, pour parler bien sûr essentiellement de mécanique quantique.

Les échanges entre partisans de l’« interprétation de Copenhague » et partisans d’une physique quantique à caractère déterministe sont vifs et passionnés, notamment entre Bohr et Einstein. Ce dernier ne croit pas que ce qui donne une existence propre à la particule, c’est sa mesure ; pour lui celui qui prend la mesure ne crée pas le monde, il existait auparavant. Einstein croit au réalisme, au déterminisme, à la causalité, ce qu’il résuma par son célèbre « Dieu ne joue pas aux dés ».

Et pourtant la suite nous montra que si !

L’interprétation de Copenhague est aujourd’hui considérée comme l’interprétation orthodoxe, même si  certains physiciens souscrivent à d’autres interprétations. Elle comporte des difficultés conceptuelles profondes, mais s’est révélée d’une remarquable solidité, d’une précision et d’une utilité exceptionnelles : on lui doit les semi-conducteurs, donc des ordinateurs, les lasers, les leds … Et à ce jour, rien ne l’a jamais mise en défaut.

La mécanique quantique, immense développement intellectuel porté par des centaines de physiciens, nous fait oublier les grandeurs classiques (vitesse, position de la particule, trajectoire etc…) qui sont insuffisantes et inadéquates pour décrire la réalité et ne sont en fait que des vues partielles de la particule. La mécanique quantique nous fait basculer dans un monde probabiliste hautement mathématique, où une particule est décrite par les probabilités de ses états… Bref, toute les notions classiques ont volé en éclats, et le déterminisme confortable de la physique n’est plus qu’un souvenir.

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  1. voir les billets Physique Quantique 1 et Physique Quantique 2